Affacturage, un outil moderne aux racines ancestrales
L’affacturage est une technique de financement souple qui permet à une entreprise d’encaisser ses factures sans attendre leur date d’échéance et de bénéficier d’un service de recouvrement de créance. Un dispositif efficace qui a fait ses preuves au fil des ans et continue de séduire de plus en plus d’entreprises de toutes tailles.
L’histoire de l’affacturage remonte à l’antiquité, à l’époque où des commerçants jouaient le rôle d’intermédiaire entre les clients et les producteurs sur des comptoirs établis le long de la Méditerranée. À l’époque, le factor était donc une personne qui exerçait du commerce à la place d’une autre. Au Moyen-Âge, les affactureurs deviennent itinérants. Puis, avec l’expansion coloniale européenne en Amérique aux 16 et 17e siècles, la fonction de factor prend un réel essor. « En effet, les aléas des communications à grande distance, la difficulté de trouver des acheteurs et, plus encore, de connaître leur solvabilité ainsi que les éventuelles barrières politiques, administratives et douanières, poussaient les producteurs à rechercher un intermédiaire apte à leur apporter aide et garantie », expliquent Jean-Pierre Deschanel et Laurent Lemoine*.
Dès 1823, la charte juridique des factors est inscrite aux « Factor Acts » en Angleterre. Dans le même temps, la pratique se développe aux États-Unis, sous l’effet des importations de marchandises européennes. Et plus tard, lorsque le pays décide de privilégier ses propres industries par des politiques protectionnistes, le factoring se déploie au niveau national pour proposer aux manufacturiers américains des services de mobilisation de créances commerciales. L’affacturage prend alors dans les pays anglo-saxons sa signification moderne, détachée de l’opération d’achat-vente de marchandises. En se focalisant sur le rachat de créances d’une entreprise, il lui apporte la trésorerie nécessaire à la conduite de son activité. L’affacturage induit de fait une relation triangulaire entre le factor (qui rachète le crédit), le vendeur (le client du factor) et l’acheteur (le client du vendeur).
Années 1960 : arrivée de l’affacturage en France
En France, il faut attendre les années 1960 pour que le marché de l’affacturage se développe véritablement. En premier lieu, cette technique de financement et de recouvrement de créances des entreprises se développe dans l’Hexagone sous l’impulsion de grands factors américains désireux de prendre pied en Europe, suivant l’exemple des banques. « À cette fin, la First National Bank of Boston créa une holding en Suisse, « International Factors », dont l’objet était de développer, en principe avec des associés locaux, des sociétés de factoring nationales dans divers pays. A l’initiative principale de la SFAC fut constituée en 1964 la Société française de Factoring (SFF). Peu après, le groupe américain Walter E. Heller fondait en 1966 Facto-France Heller, en association avec quelques banques françaises. »*
C’est en 1965 que la première société d’affacturage purement française voit le jour avec la création de Sofinter (Société française pour le développement du Commerce internationale). Cette émanation commune des principales banques de dépôt de l’époque était dédiée uniquement aux opérations internationales. La fin de l’aventure, en 1969, ne décourage pas les banques. Toutefois, à l’époque, l’opinion associe la pratique du factoring à des entreprises en difficulté. En France, où les formes classiques de financement à court terme sont traditionnellement privilégiées, la technique financière de l’affacturage peine à se répandre.
En 1973, le terme d’affacturage est entériné par l’arrêté du 18 novembre 1973 sur la terminologie économique et financière. En voici la définition officielle : « Opération ou technique de gestion financière par laquelle, dans le cadre d’une convention, un organisme spécialisé gère les « comptes clients » d’entreprises en acquérant leurs créances, en assurant le recouvrement pour son propre compte, et en supportant les pertes éventuelles sur des débiteurs insolvables. Ce service, qui permet aux entreprises qui y recourent d’améliorer leur trésorerie et de réduire leurs frais de gestion, est rémunéré par une commission sur le montant des factures (anglais : Factoring). Une variante en est l’affacturage à forfait (appelé en anglais Forfaiting). »
Loi Dailly, loi bancaire : un socle pour l’essor du marché de l’affacturage
C’est à partir de la fin des années 1970 que les banques créent de manière individuelle des filiales ou des départements spécialisés sur l’affacturage. Dans un premier temps dédiées aux opérations d’import-export, elles s’ouvrent progressivement aux opérations nationales.
L’affacturage trouve sa place en France. La loi Dailly de 1981 facilitant le crédit aux entreprises étaye sa base légale. La loi bancaire de 1984, relative à l’activité et aux établissements de crédit, affine le cadre réglementaire et officialise la pratique de l’affacturage dans le champ des activités bancaires.
Dans les années 1980, l’affacturage prend véritablement son envol en France : il augmente ainsi de 20 % par an pour atteindre plus de 80 milliards de francs de créances traitées en 1991. Toutefois, le nombre d’entreprises clientes de l’affacturage plafonne aux alentours de 5 000, bien en deçà du marché potentiel. 20 ans plus tard, cette technique bancaire s’est largement répandue. D’après l’Association française des Sociétés Financières (ASF), en 2021, la production de l’année s’élevait à 364 870 millions d’euros de créances achetées pour un encours total en fin d’année de 56 215 millions d’euros. Le nombre d’entreprises ayant conclu un contrat d’affacturage s’établissait à 31 895.
La France, championne de l’affacturage !
Toujours selon les données de l’ASF, en 2020, la France se positionne au premier rang européen et au 2e rang mondial. Elle occupe la première place du podium pour l’affacturage à l’international. Cette technique de financement n’est pas réservée aux grandes entreprises : en effet, 94 % des clients de l’affacturage sont des PME/TPE ! Elles constituent 54 % des encours détenus par les sociétés d’affacturage. Ce mode de financement a prouvé son efficacité pour répondre aux besoins structurels de tout type d’entreprise. Il s’est imposé au cours du temps face à la concurrence d’autres techniques de financement comme les concours bancaires par escompte ou les cessions Dailly. Aujourd’hui, l’affacturage est l’outil le plus utilisé pour gérer la trésorerie des entreprises.Qui sont les sociétés d’affacturage ?
L’ASF regroupe la quasi-totalité des sociétés spécialisées en affacturage : elle compte 11 sociétés exclusivement dédiées à cette activité et 6 exerçant une activité mixte. Le marché de l’affacturage se caractérise par une forte concentration des acteurs puisque les 6 premiers établissements totalisent plus de 85 % du chiffre d’affaires global.
Le statut des sociétés d’affacturage est variable selon les pays. En France, dès le premier agrément délivré en 1964, il a été décidé « que tout organisme voulant pratiquer l’affacturage en France devait posséder ou adopter le statut d’établissement financier ou de banque et accepter de se soumettre au contrôle du Conseil National du Crédit », détaillent Jean-Pierre Deschanel et Laurent Lemoine**.
Une société d’affacturage est donc un établissement de crédit obligatoirement agréé auprès de la Banque de France. Hormis les filiales de banques, il peut s’agir de sociétés indépendantes non bancaires, qui peuvent être des filiales de groupes industriels ou financiers. Comme tout établissement bancaire, les sociétés d’affacturage sont soumises au contrôle du Conseil national du crédit, au Comité de réglementation bancaire et à la Commission bancaire.
* L’Affacturage, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France.
** Affacturage, fascicule 580, Éditions techniques, Juris-Classeur, 8, 1994.