Surendettement : les points de vigilance

Mis à jour: 30 mai 2024
Bibby Financial Services
Bibby Factor France

Le surendettement est une situation d’endettement excessif au regard des capacités de remboursement de l’entreprise. Avec la fin du « quoi qu’il en coûte » défendu par le gouvernement pour atténuer les effets de la crise sanitaire du Covid et un environnement économique chaotique ces dernières années, nombre d’entreprises ploient sous le poids de la dette. Tour d’horizon des points d’attention de l’endettement.

La santé des entreprises ne dépend pas uniquement de leur activité. Elle est interdépendante du contexte macro-économique dans lequel elles évoluent. En ce début d’année 2024, la Banque de France se veut rassurante : malgré les tensions au Moyen-Orient, la persistance de la guerre en Ukraine, le niveau élevé des dettes publiques et privées, elle estime que l’économie résiste, dans un environnement instable.

Un contexte économique impactant

Le resserrement monétaire pour lutter contre l’inflation ces dernières années a pesé sur la croissance et l’emploi, mais la récession a été évitée dans la zone euro. La croissance devait atteindre +0,8 % en 2024. L’augmentation des taux d’intérêt a impacté négativement l’investissement des ménages, après une très forte hausse depuis 2015. Le secteur de la construction en est particulièrement affecté. L’investissement des entreprises a aussi été freiné, avec une baisse plus légère, estimée à -0,6 % en 2024. Dans le même temps, le crédit bancaire est resté un soutien à l’activité des entreprises, avec une croissance de 1 % sur un an, depuis le printemps 2023.

En revanche, les comportements de paiement entre entreprises se sont tendus. Les retards de paiement ont atteint 12,7 jours en moyenne en 2023, ce qui équivaut à 15 milliards d’euros de trésorerie en moins pour le créancier d’après le ministère de l’Economie. De quoi mettre en danger la survie de petites entreprises déjà impactées par le ralentissement de l’activité.
L’inflation semble quant à elle en passe d’être résorbée : après le pic de 10,6 % en octobre 2022, sur la zone euro, le taux est retombé à 2,4 % en mars 2024, en France comme en Europe. La Banque de France table sur une inflation moyenne de 2,5 % en 2024 et 1,7 % en 2025 dans l’Hexagone.
La réduction de l’inflation devrait soutenir la relance de la consommation des ménages. Toutefois, les entreprises qui ont accordé des augmentations de salaires à leurs collaborateurs doivent faire face à des charges plus importantes, alors même qu’elles ne peuvent plus jouer la carte de la hausse de leurs prix de vente.

Ratio d’endettement financier : un indicateur à suivre de près

Dans un environnement incertain, les chefs d’entreprise doivent surveiller leurs indicateurs. À commencer par le ratio d’endettement financier, c’est-à-dire la proportion des dettes bancaires de l’entreprise par rapport à ses capitaux propres. Plus ce ratio est faible, plus l’entreprise est en bonne santé financière et plus sa capacité d’emprunt est forte. Toutefois, un ratio faible peut signifier que l’entreprise n’investit pas et ne prend pas de risque pour se développer. Au contraire, plus le ratio d’endettement est élevé, plus l’entreprise dépend de financements externes. Sa rentabilité peut dont être impactée par le poids des remboursements. Et son risque d’insolvabilité peut augmenter au point de limiter sa capacité d’emprunt. Là encore les chiffres sont discutables : une entreprise qui investit massivement présentera un ratio d’endettement élevé alors même qu’elle est en pleine croissance et tout à fait solvable.

Tant que le flux de trésorerie est suffisant pour rembourser ses emprunts, l’endettement n’est pas un point négatif. Il le devient lorsque l’entreprise n’a pas plus la rentabilité nécessaire pour faire face à ses échéances de remboursement. Ainsi, plus que le niveau d’endettement, c’est la capacité de remboursement qui est la variable à surveiller.

Gérer l’endettement généré par les PGE

Pour soutenir l’activité des entreprises pendant la crise Covid, plus de 140 milliards d’euros de Prêts Garantis par l’État (PGE) ont été octroyés entre le 23 mars 2020 et le 30 juin 2022, soit un peu plus de 10 % de l’encours total de crédit aux entreprises. Les montants ont pu atteindre 3 mois de chiffre d’affaires de 2019 ou 2 années de masse salariale pour les entreprises innovantes. D’après la Banque de France, près de la moitié des PGE accordés aux TPE et PME étaient remboursés fin 2023. Cela témoigne de la prudence des entreprises emprunteuses. Pourtant, d’après une enquête de la CPME datant de fin 2023, 28 % des entreprises confient rencontrer de plus en plus de difficultés pour rembourser leur PGE et 3 % sont contraintes de cesser leur activité car elle ne parviennent plus à le rembourser.

Le rééchelonnement du remboursement a été prolongé et peut être réalisé jusqu’à fin 2026. Concrètement, l’entreprise peut renégocier un report du remboursement avec sa banque, à l’amiable, pour rallonger jusqu'à quatre ans la durée d'amortissement de son PGE. En cas de difficulté, ci son PGE est inférieur à 50 000 €, elle peut saisir le médiateur du crédit via une procédure simplifiée, à condition de ne pas être en situation de cessation de paiement et d’être en mesure de se redresser. Au-delà de 50 000 € de PGE, l’entreprise doit dans un premier temps saisir le conseiller départemental de sortie de crise, qui décidera de l’orienter vers la médiation du crédit ou le tribunal de commerce.

Le rééchelonnement n’est pas sans danger pour la santé financière de l’entreprise. En effet, les taux d’intérêt actuels, aux alentours de 4,5 %, sont bien plus élevés que ceux auxquels ont été signés les PGE, de l’ordre de 1 à 1,25 %. Toutefois ce surcoût peut être négligeable face à une situation urgente de trésorerie.
Un autre inconvénient du rééchelonnement de la dette est son allongement, qui peut peser sur la valorisation de l’entreprise et sa performance financière.

Poids de la dette sur les capacités d’emprunt

Lorsque les ventes chutent ou que les marges s’amenuisent, ou lorsque les charges augmentent plus rapidement que les recettes, le poids du remboursement de la dette peut devenir trop important pour la trésorerie. L’entreprise fait alors face à une limitation de ses capacités d’investissement et de financement de son exploitation courante. Ses comptes se détériorent, sa valorisation régresse.

Lire aussi 5 conseils pour préserver sa trésorerie

La cotation Banque de France, qui évalue la capacité d’une entreprise à honorer ses engagements financiers à horizon 1 à 3 ans, risque d’être dégradée, ce qui limitera l’accès à de nouveaux prêts bancaires. Cette cotation prend en effet en compte de nombreux critères, tels que l’examen de la situation financière de l’entreprise et son évolution prévisible après analyse de la rentabilité et de la structure du bilan, ou encore l’existence d’incidents de paiement ou de procédures judiciaires.

De même, si la rentabilité de l’entreprise s’effrite, les assureurs-crédits risquent de perdre confiance dans ses capacités de paiement et par conséquent de réduire ou d’annuler leur assurance crédit. Dans ce cas, pour se prémunir du risque d’impayé, les fournisseurs cesseront d’accorder des délais de paiement. L’entreprise, contrainte de puiser immédiatement dans sa trésorerie pour honorer ses factures, peut ainsi par se retrouver en situation de tension, du jour en lendemain.

Nous l’avons vu, le surendettement n’est pas statique : c’est la conjonction entre le niveau d’endettement et la capacité de remboursement. Dans un prochain article, nous verrons comment sortir du désendettement en actionnant les outils à disposition du chef d’entreprise pour éviter les tensions de trésorerie et alléger le poids de la dette dans sa gestion courante.