Quel avenir pour le marché de l'affacturage à court terme ?

Mis à jour: 30 janvier 2025
Bibby Financial Services
Bibby Factor France

La France est le premier marché européen de l’affacturage et le deuxième au monde derrière la Chine. Toutefois, si cette solution de financement à court terme est l’une des principales en France, elle a été pénalisée ces dernières années par les taux d’intérêts élevés et l’atonie de la croissance économique. La baisse des taux, la nécessité de se prémunir des impayés en période d’incertitude ou encore la généralisation de la facturation électronique retourneront-ils la tendance ? Tour d’horizon des perspectives du marché à horizon 2 ans.

État des lieux

Le volume de factures prises en charge par les factors a atteint 425,9 milliards d’euros en 2023 (+ 1 % par rapport à 2022), soit 15% du PIB français selon l’Association française des Sociétés Financières (ASF). Malgré une faible croissance, l’affacturage s’est maintenu parmi les principales sources de financement à court terme, devant le découvert qui a stagné et les créances commerciales qui ont chuté. D’après la Banque de France, à fin juin 2024, l’encours de l’affacturage atteignait 41,6 Md€, bien plus élevé que celui du découvert (29,3 Md€) et de l’escompte de créances commerciales (14,1 Md€).

L’affacturage est utilisé par environ 32 500 clients. Ce volume est en baisse depuis plusieurs années et les TPE/PME sont majoritaires : elles représentent 92 % des cédants, mais seulement 45 % des encours en 2023. Cela témoigne d’une méconnaissance de l’offre, l’affacturage restant souvent identifié comme un outil à disposition des entreprises en difficulté, alors qu’il s’avère précieux pour prévenir les risques d’impayés, optimiser la gestion de son poste client et générer la trésorerie nécessaire au financement de l’activité et de la croissance.

Dans un contexte d’incertitude économique, l’affacturage permet de garantir le paiement des factures émises et offre de la visibilité au chef d’entreprise.

Des prévisions macroéconomiques en faveur de l’affacturage

Depuis l’après-Covid, les entreprises font face à un environnement économique chahuté, qui se traduit par des indicateurs en berne. De ce fait, la tension sur les délais de paiement demeure forte : bien que plafonnés en France, ils restent élevés. Surtout, les retards de paiement s’allongent, mettant en difficulté les fournisseurs. En 2023, les retards de paiement ont augmenté d’un jour, ce qui représente 1 milliard d’euros de manque à gagner en trésorerie pour les entreprises en attente de règlement. Environ 25 % des faillites en France sont dues à des retards de paiement et leur nombre ne cesse de progresser : d’après de cabinet Altarès, 67 830 défaillances d'entreprises ont été recensées en 2024, et la plupart des secteurs d'activité sont concernés. En cause : un rattrapage du gel des procédures lors de la période de pandémie, mais aussi un retournement de la conjoncture économique qui a impacté les entreprises les plus fragiles sur le plan financier.

Dans ce contexte de risque d’impayés, l’affacturage est une solution pertinente pour sécuriser le poste client.

Les freins au développement de l’activité des factors

En revanche, les taux d’intérêts restant élevés malgré la baisse progressive de l’inflation en 2024, le « coût » de l’affacturage demeure un frein. En effet, la tarification d’un contrat d’affacturage comprend notamment un taux d’intérêt sur le financement, généralement basé sur l’Euribor 3 mois. Les perspectives de croissance étant faibles pour 2025 – l’Insee table sur + 1,1 %, la Banque de France sur + 0,9 % – le volume d’affaires facturé sera lui aussi limité, ce qui ne devrait pas jouer en faveur d’une croissance forte du marché de l’affacturage.

Enfin, les marges des factors, qui se sont légèrement redressées en 2023 pour atteindre une moyenne de 0,29 %, après des années de baisse, devraient rester faibles d’après l’ASF. En cause : une forte concurrence sur ce marché et le développement de l’offre en gestion déléguée au détriment du full factoring, plus rémunérateur.

Développement du « reverse factoring » et de la syndication

Toutefois, si l’activité classique des factors semble amenée à progresser que très lentement à court terme, l’activité de « factoring inversé » pourrait présenter de meilleures perspectives de croissance. Cette offre ne finance pas le poste clients, comme dans le cas du factoring classique, mais le poste fournisseurs : elle est mise en place à l’initiative du client (le débiteur) pour régler ses créances auprès de ses fournisseurs en faisant appel à un factor.

Une autre tendance est la syndication de factors, c’est-à-dire leur regroupement pour financer les créances d’une entreprise. Ces dernières années, les opérations sous syndication ou pools de factors ont augmenté plus rapidement que le reste du marché et devraient continuer à se développer. L’activité en pool a progressé de près de 19 % en 2023 et représente désormais 16 % du chiffre d’affaires global des sociétés d’affacturage.

Quel impact attendre de la facturation électronique ?

La généralisation de la facturation électronique va démarrer au 1er septembre 2026. À cette date, les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) auront l’obligation d’émettre des factures électroniques, tandis que les PME et micro-entreprises pourront attendre le 1er septembre 2027. En revanche, dès le 1er septembre 2026, toutes les entreprises auront l’obligation de recevoir des factures électroniques.

Cette loi sera favorable à l’affacturage car toutes les factures seront standardisées et authentifiées à réception, ce qui limitera le risque d’impayés à supporter par les factors et permettra d’optimiser les flux de traitement.

IA, nouveau levier d’optimisation de l’affacturage ?

Xerfi, dans son étude « Le marché de l'affacturage à l’horizon 2026 » estime que les factors s’intéressent à l’intelligence artificielle (IA), comme moyen d’optimiser les processus d’affacturage. « L’intelligence artificielle et le passage à la facture électronique ouvrent des opportunités pour optimiser les opérations de back-office comme le scoring des clients », peut-on lire dans la présentation publique de l’étude.

L’IA est par exemple utilisée pour construire des modèles prédictifs permettant de prédire la probabilité de paiement des factures, d’évaluer le risque à partir des données clients ou encore de calculer des taux d’intérêt optimaux.

La RSE, source de bonification

L’étude Xerfi pointe aussi l’intégration des enjeux RSE (responsabilité sociale d’entreprise) dans le financement de créances BtoB. Certains factors proposent en effet de revoir l’assiette du financement de leurs clients ou la tarification de leur solution d’affacturage s’ils atteignent leurs objectifs RSE. Des remises de commission d’affacturage peuvent par exemple être accordées en cas de réduction de l’empreinte carbone de l’entreprise.

C’est un moyen pour les factors engagés de saluer et d’encourager les entreprises dans leur transition énergétique et sociale, mais aussi pour eux de se distinguer dans un environnement très concurrentiel.

Les atouts d’un marché réglementé et concurrentiel pour l’avenir

En France, le marché de l’affacturage est très règlementé. Seuls les établissements de crédit et des structures bénéficiant d’une dérogation au monopole bancaire peuvent pratiquer le métier de factor. Cela réduit le nombre d’intervenants : on compte moins d’une vingtaine d’affactureurs.

Ces dernières années, de jeunes entreprises des « fintech » ont intégré le marché, avec des offres orientées sur les TPE et PME. Les factors sont aussi souvent mis en concurrence au travers d’appels d’offres et se regroupent de plus en plus en pools de syndication, notamment pour répondre aux besoins d’entreprises qui dépassent un certain niveau de chiffre d’affaires.

Ainsi, bien que le nombre de factors soit limité, la concurrence existe bel et bien entre eux et va sans doute se renforcer dans les prochaines années.